La trajectoire de Sylla est un défi aux chemins tout tracés. S’il avait suivi l’itinéraire imposé par son père, il serait devenu banquier. Il est entrepreneur en bâtiment.
Chez nous, en Guinée, les parents choisissent souvent l’avenir de leurs enfants. Mon père voulait que je fasse carrière dans les finances ou dans la banque.
Obéissant, Sylla suit des études d’économie et obtient un Bac+4. Il effectue un stage dans une banque marocaine. Mais une autre passion l’habite en silence.
Depuis tout petit, je suis attiré par le concret, par le bâtiment. Ce que j’aime, c’était construire, transformer, voir un projet naître de mes mains.
Face aux difficultés pour intégrer Campus France, l’agence nationale chargée de la promotion de l’enseignement supérieur français à l’étranger, Sylla se tourne vers l’Ukraine.
À l’époque, l’Ukraine avait une bonne réputation pour les études. C’était plus accessible, alors j’y suis allé.
Mais une fois sur place, il ne suit pas la voie tracée. Il bifurque vers sa passion : le bâtiment.
J’ai appris à faire du placo, de l’isolation thermique, de la décoration intérieure, design d’intérieur, agencements, des cloisons sèches… C’est là que j’ai appris le métier sur le terrain.
En 2014, la guerre éclate. Installé à Marioupol, dans le Donbass, Sylla voit la guerre arriver à ses portes.
On entendait les bombardements, les tanks passaient. C’est là qu’on a compris qu’on devait partir.
Avec sa femme et ses 2 enfants, il quitte l’Ukraine en 2019. Destination : la France.
La France, c’est un pays d’asile, un pays ouvert. Je pensais que ce serait plus facile. Mais ce n’était que le début d’un autre combat.
Si Sylla parle français, sa femme et ses enfants ne parlent que l’ukrainien et le russe.
Il a fallu tout reconstruire. Même communiquer avec l’école, c’était compliqué.
La demande d’asile est lancée en 2019, mais la famille n’obtient ses titres de séjour qu’en 2023.
L’attente a été la période la plus difficile. Tu veux avancer, travailler, mais tu es bloqué.
Pendant cette attente, Sylla ne reste pas inactif. Il fait une remise à niveau à l’AFPA et suit une formation en ligne en architecture d’intérieur.
Dès qu’il obtient ses papiers, il fonde son entreprise de rénovation. Il faut dire que son envie d’entreprendre ne date pas d’hier. Déjà au collège, il donnait des cours de maths et de physique-chimie et avait même créé un petit centre de formation en informatique et bureautique en Guinée pendant sa première année à l’université.
Les débuts sont toutefois laborieux : démarches administratives, missions mal rémunérées, arnaques sur les plateformes. Mais il apprend vite. Il démarche les entreprises locales avec ses propres flyers, réalise ses cartes de visite, se forge sa propre clientèle.
Lors d’une conférence, il découvre l’Adie. Il y trouve un soutien concret : un microcrédit pour acheter un véhicule, devenu son outil de travail principal, et les conseils précieux de Pascal, son conseiller, qui l’aide à structurer son activité.
Mon conseiller Adie était toujours là pour débloquer les situations. Je me sens soutenu.
Aujourd’hui, Sylla vit de son activité. Il intervient dans des chantiers de rénovation, propose des aménagements intérieurs, conseille ses clients sur l’isolation thermique et phonique, et développe des solutions durables.
J’aime proposer des idées, innover. Ce que je veux, c’est aider les gens à vivre mieux dans leur maison. Une bonne isolation, une belle déco, c’est du confort et des économies.
S’il regarde en arrière, Sylla est fier de son parcours.
La réussite dans un nouveau pays, ça commence par l’intégration. Il faut respecter la langue, la culture, les gens. Il faut apprendre, s’entourer, et ne pas avoir peur de recommencer à zéro.