Direction Générale de la Cohésion Sociale

Sous l’autorité ou à la disposition de plusieurs ministres ou secrétaires d’État, la DGCS coordonne différentes politiques publiques, parmi elles le droit des femmes et l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

À ce titre, l’Adie reçoit le soutien de la DGCS via le SDFE pour les actions engagées qu’elle mène aux niveaux local et national pour favoriser l’entrepreneuriat des femmes éloignées de l’emploi.

Interview de Virginie Lasserre, Directrice Générale de la cohésion sociale

La crise sanitaire que nous avons connue accentue les difficultés des plus fragiles, notamment les femmes. Partant de ce constat, en quoi l’entrepreneuriat individuel est-il, selon vous, un levier vers une meilleure inclusion ?

La crise sanitaire a aggravé les inégalités entre les femmes et les hommes en France et dans le monde. On ne cesse de le voir et de le constater, les femmes sont surexposées aux conséquences de cette crise.

Un des domaines d’inégalités criant concerne la sphère sociale et économique. Les femmes constituent aujourd’hui la majorité des personnes en situation de précarité. Vous connaissez certainement les données, mais permettez-moi néanmoins d’en rappeler quelques-unes. En France, les femmes représentent 53 % des personnes pauvres, 57 % des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), et 70 % des bénéficiaires des aides alimentaires.

De plus, leurs conditions d’emploi sont en moyenne moins favorables que celles des hommes : elles représentent 70 % des travailleurs et travailleuses pauvres, elles occupent 82 % des temps partiels et 62 % des emplois non qualifiés.

Oui, encourager l’entrepreneuriat par les femmes, est un réel levier vers une meilleure inclusion. C’est répondre à l’enjeu de l’égalité entre les femmes et les hommes en offrant à toutes des moyens pour s’investir et se réaliser dans la création ou la reprise d’entreprises. C’est également un levier d’insertion professionnelle et d’autonomie économique, en particulier en cas de reprise d’emploi après une période d’inactivité prolongée.

En effet, différentes études ont montré (dont la dernière en 2020 par « Bouge ta boîte ») qu’une forte majorité de femmes entrepreneures créent leur entreprise parce qu’elles aspirent à devenir « libres ». Cependant, ces mêmes études mettent en exergue la difficulté de la viabilité économique. Force est de constater que si les femmes qui créent se déclarent heureuses de leur démarche, on est loin de l’émancipation économique de la femme par l’entrepreneuriat ! Sans le soutien de la société, voire de proches, bon nombre de femmes entrepreneures n’accèdent pas à l’autonomie sur un plan économique.

Certaines entrepreneures sont particulièrement exposées aux effets de la crise sanitaire à cause des secteurs d’activités dans lesquels elles exercent. En effet, comme le CESE le relevait dans son étude « Femmes et entrepreneuriat » en octobre 2020, elles sont en proportion davantage présentes dans les secteurs d’activité les moins rémunérateurs (79 % des créateurs d’entreprises dans le secteur de la santé et de l’action sociale sont des femmes) et les catégories d’entreprises les plus fragiles, notamment les TPE.

Des efforts sont donc à mener afin que l’entrepreneuriat devienne un réel levier vers une réelle inclusion. C’est pourquoi, au niveau national, j’ai demandé à mes services de déployer une partie des crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » en faveur de l’entrepreneuriat par les femmes. Ces crédits permettent de subventionner des associations qui proposent des programmes pour inciter et aider les femmes à entreprendre. L’Appel à Projets (AAP) en faveur de l’égalité économique entre les femmes et les hommes lancé au 1er semestre 2021 a permis de financer 4 projets conséquents répondant directement à la problématique de l’entrepreneuriat par les femmes.

Au niveau régional, les crédits soutiennent la création ou la reprise d’entreprises et d’activités par les femmes, notamment en zone rurale et dans les quartiers de la politique de la ville.

De plus, l’accord-cadre du 5 mars dernier signé entre l’État et Bpifrance en faveur de l’entrepreneuriat par les femmes avec l’engagement de réseaux bancaires (BNPP, la Fédération Nationale des Caisses d’Epargne et les Caisses d’Epargne) permet la poursuite dynamique positive des Plans d’Actions Régionaux (PAR) déjà existants. A titre d’exemple, sont mises en place des actions visant à :

  • Développer le mentorat, l’accompagnement et les réseaux de femmes entrepreneures ;

  • Organiser des rencontres entre professionnels et femmes entrepreneures au niveau territorial ;

  • Sensibiliser les acteurs bancaires aux outils financiers spécifiques à l’entrepreneuriat par les femmes ;

  • Faciliter le passage à l’entrepreneuriat des femmes dans les territoires fragiles ;

  • Développer la sensibilisation des jeunes sur la création et la reprise d’entreprise par les femmes ;

  • Sensibiliser les prescripteurs en contact avec le public.

La toute récente loi dite Rixain du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle entre les femmes et les hommes introduit des mesures en faveur de l’entrepreneuriat par les femmes avec pour objectif d’augmenter le nombre de prêts consenti aux femmes qui souhaitent entreprendre. En effet, la banque publique Bpifrance aura obligation de respecter des objectifs de mixité dans le soutien aux entreprises avec un seuil de 30 % de femmes d'ici un an dans les comités de sélection des projets, puis 40 % à partir de 2027. D’ici à deux ans, la banque publique devra conditionner l'octroi de financements en prêt ou en fonds propres à la publication par les entreprises de l’index de l’égalité professionnelle. De plus, tous les ans, Bpifrance devra publier des données genrées en matière d'aides et d’accès aux prêts et les objectifs de mixité au sein des comités d’investissement fixés à Bpifrance sont étendus aux sociétés de gestion de portefeuille.

Nous l’avons constaté, des progrès sensibles restent à faire. Néanmoins, ces différentes et nouvelles mesures permettront et permettent d’ailleurs déjà un meilleur accès à l’entrepreneuriat par les femmes. Les efforts doivent donc être poursuivis afin d’augmenter sensiblement le nombre de femmes entrepreneures, mais aussi permettre une plus grande mixité des secteurs d’activité dans lesquels les femmes investissent, et donc travailler aussi sur les stéréotypes de genre. C’est cette corrélation de facteurs qui permettra à l’entrepreneuriat d’être un réel levier d’inclusion pour toutes les femmes.

Quel rôle souhaitez-vous que l’Adie joue dans les prochaines années auprès des femmes entrepreneures ?

Partenaire depuis 2018, les relations de travail entre la DGCS et l’Adie ont toujours été constructives et les travaux menés opérationnels et impactant.

C’est pourquoi, j’ai souhaité contractualiser une convention pluriannuelle d’objectifs (CPO) avec l’Adie en 2021 pour une durée de 3 ans. Un telle convention permet de se fixer mutuellement des objectifs à moyen terme, mais aussi de pérenniser certaines activités pour l’association.

Le projet mené dans le cadre de cette nouvelle CPO est de « Contribuer à l’insertion sociale et professionnelle des femmes les plus fragiles par l’activité économique ». Je me permets ici de rappeler les cinq objectifs fixés pour les 3 années à venir :  

  1. Développer la connaissance de l’Adie sur les femmes qu’elle soutient,

  2. Renforcer l’action de l’Adie auprès des entrepreneures,

  3. Augmenter les compétences des équipes de l'Adie,

  4. Adopter une posture plus militante et affirmée en matière d’accès à l’entrepreneuriat des femmes,

  5. Plaider davantage en faveur des droits des indépendantes.

Les actions prévues pour répondre à ces objectifs sont des actions structurantes qui permettront, je n’en doute pas, un réel bénéfice pour l’insertion économique et sociale des femmes au sens large, et pour l’entrepreneuriat en particulier.

L’Adie a su, lors du 1er confinement et au début de la crise sanitaire en mars 2020 réagir très rapidement et de façon pertinente à une situation de crise nouvelle et imprévue. En effet, dès mars 2020, l’association a mis en place un plan d’urgence pour les travailleurs indépendants, puis a lancé dès avril 2020 une enquête auprès des entrepreneurs qu’elle finance et accompagne afin de repérer leurs difficultés et être ainsi en mesure d’adresser aux pouvoirs publics des propositions d’amélioration.

De plus, l’Adie étant parfaitement intégré à l’écosystème entrepreneurial, cela lui permet d’avoir une vision claire, objective et pertinente quant aux réponses à apporter sur les sujets entrepreneuriaux.

Les travaux qui seront menés dans le cadre de la CPO, lié aux compétences de plaidoyer et d’accompagnement que l’Adie possède déjà pourraient lui permettre de renforcer sa position d’interlocuteur référent sur les sujets d’insertion économique et d’entrepreneuriat pour un public particulièrement fragile.