Pourquoi faut-il faciliter la création de micro-entreprises dans les quartiers ?

En France, depuis 2009, une société créée sur deux est une micro-entreprise. Ce dynamisme entrepreneurial est présent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Là autant qu’ailleurs, il doit être soutenu et accompagné car il contribue efficacement à la lutte contre le chômage. Alors pourquoi faut-il faciliter la création de micro-entreprises dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ?
Pour renforcer et dynamiser leur tissu économique
On compte deux fois moins d’entreprises par habitant dans ces quartiers qu’ailleurs sur le territoire. Ces entreprises exercent en majorité des activités de commerce, hébergement et restauration (34,7 %), de construction (15 %) et de transport (8 %). Plus de 30 % des 1 514 quartiers prioritaires de la politique de la ville se situent dans un ensemble urbain dynamique, sans en bénéficier. Ils concentrent 43 % de la population des quartiers. Leur essor entrepreneurial aurait un impact micro-économique et social significatif. D’une manière générale, la création de micro-entreprises résoudrait des difficultés d‘accès à l’emploi propres aux quartiers.
Pour réduire un taux de chômage double d’ailleurs
Le taux de chômage, parmi les personnes ayant déjà travaillé, atteint 26,4 % en 2015, contre 10,1 % ailleurs en France. Même qualifiés, les habitants des quartiers ont plus de difficultés à retrouver un emploi que les autres chômeurs, notamment en raison de problèmes liés au manque de mobilité.
Pour équilibrer l’offre et la demande locales d’emplois
La majorité des actifs, qui vivent dans les quartiers, sont des employés et des ouvriers (72,8 %). Ils doivent aller travailler ailleurs dans la ville ou la métropole, à défaut d’emplois correspondant à leurs qualifications proches de leur lieu de résidence. Cette mobilité forcée pose des problèmes aux actifs, mais plus encore aux demandeurs d’emplois : accessibilité, coût des transports.
Parce que les quartiers concentrent les obstacles à la création d’entreprise
Manque de fonds pour investir et se développer, difficulté d’accès au crédit bancaire, accompagnement insuffisant… Les entrepreneurs des quartiers sont particulièrement seuls face à la création d’entreprise. Or ils ont besoin d’être accompagnés comme les autres créateurs et plus encore !
L’Adie soutient la création d’entreprise dans les quartiers, elle n’accompagne pas seulement des individus, elle favorise des dynamiques collectives.
Parce que le microcrédit accompagné a fait ses preuves aussi dans les quartiers
En 2016, les habitants des quartiers ont représenté 23 % des personnes financées par l’Adie. Leur envie d’entreprendre est particulièrement forte malgré les freins inhérents à leur situation, financière, sociale et… géographique ! Alors quand l’Adie soutient la création d’entreprise dans les quartiers, elle n’accompagne pas seulement des individus, elle favorise des dynamiques collectives. Elle y contribue d’autant mieux lorsqu’elle travaille en bonne intelligence avec les autres associations et acteurs de l’emploi et de la cohésion sociale, qui à ce jour sont fragilisés par la baisse des subventions publiques. Il est plus que jamais d’actualité de changer le regard sur nos quartiers populaires ! Comment installer dans le paysage médiatique et dans l’opinion, les rôles modèles, ces modèles inspirants issus des quartiers ?
Pour changer le regard sur les quartiers
On ne parle que du taux de chômage, et jamais du taux des actifs dans ces mêmes quartiers. Pour reprendre la formule de Jacqueline Lorthiois, spécialiste en économie et consultante sur toutes ces questions liées à la politique de la ville : « Quand un médecin est appelé pour une cheville malade, il regarde celle qui est en bonne santé, afin de pouvoir comparer et d’établir un objectif de mieux-être. De même pour accompagner, un chômeur, il est très éclairant d’avoir des informations sur ceux qui sont en activité. »
Pourquoi ne pas innover en organisant des événements où les créateurs des quartiers « les rôles modèles» témoigneraient de leur expérience ? Pour montrer que oui c’est possible de monter sa boîte sans capital, d’en vivre et même d’embaucher ! Leurs messages positifs et leurs exemples probants ne peuvent avoir que des effets bénéfiques. A commencer par la re-motivation des acteurs publics et privés qui croulent sous le travail du traitement du chômage avec un sentiment d’échec. Permettre aux habitants des quartiers de créer leur emploi là où il n’en trouve pas – plutôt que de les inciter à en chercher ailleurs -, là où ils aimeraient et sauraient travailler, où leurs savoir-faire seraient utiles et appréciés, voilà qui contribuerait à restaurer progressivement une image positive et la confiance au sein et vis-à-vis des quartiers.
Par Safia Tami, responsable bénévolat et développement Adie en Seine-Saint-Denis.
SOURCES Rapport 2016 de l’Observatoire national de la politique de la ville Rapport 2016 de l’Observatoire des territoires.