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Entreprendre dans les quartiers : Regards croisés

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Dans cet entretien croisé, Ruben Djagoué, créateur de Beny’s Hot Dog et membre du Conseil d’administration de l’Adie et Frédéric Lavenir, président de l’Adie évoquent la place et les ambitions de l’association pour développer l’entrepreneuriat dans les quartiers.

Comment l’Adie travaille-t-elle dans les quartiers ?

Frédéric Lavenir : L’Adie travaille depuis toujours dans les quartiers. C’est dans notre ADN d’être là où les banques ne sont pas. Alors que les établissements bancaires ont du mal à prendre le temps de comprendre les projets et ne peuvent pas rentrer dans une logique d’accompagnement à la création d’activité, nous sommes là pour répondre à cette demande.

Vous le confirmez ?

Ruben Djagoué : Dans les quartiers, il y a en effet très peu de banques qui font confiance à des projets portés par des jeunes qui ont peu d’expérience ou des populations qui ont des difficultés, que ce soit par rapport au français ou dans la structuration de leur projet. L’Adie est alors une solution pour démarrer. La flexibilité des modalités de remboursement, l’accompagnement des bénévoles, la présence des conseillers sur le terrain sont la clé de la relation de proximité que l’Adie a su créer, et qui n’a rien à voir avec celle que l’on pourrait avoir avec une banque. C’est très rassurant. Et surtout, si ça se passe bien une première fois, on sait qu’on peut ensuite demander un nouveau financement. Avec l’Adie, c’est un vrai partenariat !

Pourquoi est-il important qu’un entrepreneur comme Ruben rejoigne le Conseil d’administration de l’Adie ?

F. L. : Il y a plein de raisons. Le Conseil d’administration est un organe de décision et à ce titre, c’est important qu’il y ait la plus grande diversité possible en son sein. Il faut que toutes les parties prenantes qui contribuent à ce que l’Adie existe, les entrepreneurs bien sûr, mais aussi les bénévoles, les salariés, les banquiers, les partenaires, puissent se mettre ensemble et décider au mieux en partageant tous les points de vue. Cette diversité est un gage d’efficacité. Et puis un Conseil, ce sont aussi des personnes. Ruben y apporte énormément par sa personnalité et ses idées. Son engagement lui permet aussi de connaître l’Adie d’une façon aussi juste et complète que possible.

Qu’est-ce que l’engagement à l’Adie vous apporte ?

R. D. : Je suis devenu administrateur de l’Adie parce que je voulais acquérir de nouvelles compétences. Ça me permet de voir de l’intérieur comment se structure et se gère une organisation de cette taille et je constate que l’Adie est comme une start-up, toujours en recherche d’innovation, et s’interroge sur les mêmes problématiques quotidiennes que moi. Je me dis que si je suis amené à développer mon entreprise et avoir un jour autant de salariés, j’aurai acquis l’expérience pour faire face. Ça inspire mes ambitions.

Est-ce que l’Adie est une structure à part dans les quartiers ?

F. L. : Il y a une singularité de la présence de l’Adie. L’association est à peu près la seule à avoir ce rôle d’interlocuteur unique, en proposant à la fois financement et conseil, à des personnes qui n’ont pas accès au crédit bancaire. Ces deux dimensions sont indissociables et essentielles au succès des projets.

Comment y déployer l’action de l’Adie ?

R. D. : Les entrepreneurs locaux sont les meilleurs ambassadeurs de l’Adie. Il faut multiplier les actions pour se faire connaître et organiser des temps d’échange avec les créateurs qui sont déjà dans ces quartiers pour les faire témoigner. Trouver les espaces, détendre la relation et donner la parole est essentiel pour que les porteurs de projet se sentent assez en confiance pour s’exprimer, ne soient pas intimidés par la structure et poussent la porte d’une agence.

F. L. : C’est bien ça l’objectif. L’ambition est d’aller encore au-delà de ce que nous faisons aujourd’hui en termes d’impact. Car il y a des projets qui existent et qui attendent d’être financés. Et pour beaucoup de métiers, c’est souvent moins difficile de trouver des clients que de trouver un employeur. Et je ne doute pas que l’après-crise amplifiera massivement les besoins et les vocations.

Quels sont les freins qui restent à lever ?

F. L. : Dans les quartiers, malgré les difficultés de décrochage scolaire, de pauvreté et d’accès à l’emploi, il y a un immense réservoir de talent, de jeunesse, de dynamisme, de créativité, d’audace. Toutes les qualités qui font des entrepreneurs. Il suffit de les libérer en levant les inhibitions, en finançant et en conseillant.


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