Séverine, couturière en Normandie

« Mon entreprise, c’est mon indépendance : là où je veux, quand je veux, à l’heure que je veux. »
Au sortir du collège, Séverine espère intégrer une école de couture et poursuivre ainsi son rêve de devenir styliste. Il faut dire qu'elle pratique depuis son plus jeune âge.
« À 5 ou 6 ans, j’avais toujours un bout de tissu dans les mains. »
Espoir déçu par le principal du collège qui convainc sa maman de l’orienter dans une filière classique. Cet épisode marque un vrai coup d’arrêt à sa scolarité puisque Séverine est démotivée, désintéressée. Elle n’obtient pas son bac.
« J’ai alors cherché du travail, fait de l’intérim, du ménage chez les personnes âgées, travaillé dans un centre équestre. »
Elle attendra ses 27 ans pour enfin toucher du doigt ce qui deviendra son métier. Séverine suit une formation et obtient un CAP « Vente Action Marchande ». La gérante de la boutique qui l’accueille en stage connaît la passion de la jeune femme et lui permet donc d’apprendre sur le tas la retouche de vêtements.
Employée dans une boutique de puériculture, Séverine s’aperçoit rapidement que bon nombre des clientes rencontraient des problèmes de longueurs, surtout dans les pantalons pour enfants. L’idée a donc germé de proposer en parallèle, et pour combler les fins de mois difficiles, ses services comme retoucheuse. Sa première entreprise « M’retouches » est donc née en juin 2003 après le stage obligatoire de la Chambre des Métiers.
« Je fonctionnais en sous-traitance pour quelques magasins de confection, tout en étant salariée. Je me sentais prête, alors, j’ai demandé à faire une formation au bout de laquelle j’ai obtenu mon CAP de tapissier-décorateur à 36 ans. »
Séverine transforme alors l’essai en ouvrant une boutique-atelier autour de l'univers de l’enfance. La micro-entreprise devient entreprise individuelle en 2008 et change de nom pour « Princesses et petits rois ». Persévérer, toujours et encore.
« Mon entreprise, c’est mon indépendance, là où je veux, quand je veux, à l’heure que je veux. Si je me lève le matin, c’est pour gagner ma vie avec ce que je sais faire et ce que j’aime faire. Me servir de mes mains, rien de plus gratifiant, cela me donne des sentiments de fierté. »
La crise économique, des travaux devant sa boutique conjugués à des problèmes personnels n’entament pas la détermination de Séverine. Elle se sépare de la boutique, accumule des dettes et éprouve tout de même des difficultés pour sortir la tête de l’eau. Mais elle maintient son activité, à son domicile.
« Ma fille est née, son père étant parti avant sa naissance, j'ai voulu qu'elle ait sa maman à plein temps. Le fait de travailler chez moi a été idéal. Elle a grandi et sa frimousse m'a inspirée. »
Tout en innovant Séverine commence alors la seconde mue de son entreprise : elle s’oriente vers le « surcyclage ». Elle confectionne des chapeaux à partir de vieux jeans, fait du neuf avec du vieux : créer, recycler, coudre, moderniser. Elle développe sa clientèle grâce au marché de sa commune.
« J'ai fait les marchés, avec une petite table de camping et un petit parasol vert. Les premières fois ont été peu fructueuses, puis les passants ont commencé à s'intéresser. »
Grâce à sa première expérience, encouragée par ses amis et sa famille proche, Séverine sait qu’il faut prendre des conseils pour évoluer. C’est ce qu’elle fait d’abord avec JP2A Génèse, puis avec l’Adie. L’association lui finance dans un premier temps de quoi s’installer de manière satisfaisante sur le marché tous les vendredis, où elle propose directement un service de retouches-réparations et y vend ses créations (chapeaux, tabliers, sacs, etc., en surcyclage). Son entreprise est d’ailleurs labellisée « Répar’acteur » permettant de trouver près de chez soi un artisan pour des petites réparations de couture, accrocs, poses de fermetures éclair.
Puis, pour faire face à la panne de son véhicule, elle sollicite un second microcrédit pour pérenniser son activité. Tous ces aléas n’ont pas donné l’envie de réussir de Séverine, qui précise :
« J’ai besoin de m’occuper de mon enfant à temps plein, qui de surcroît est ma véritable source d’inspiration. »
Aujourd’hui Séverine travaille avec des particuliers et des boutiques de prêt-à-porter.
« Les gens dépensent moins dans l’achat de vêtements neufs, ils font réparer. Le contexte n’est pas très favorable ou propice à l’optimisme en ce début d’année : j’ai perdu un gros client qui a du fermer ses portes, mais j’ai pu retrouver deux nouvelles boutiques en retouches, et puis j’ai des projets. Notamment : celui d’intégrer à ma production une gamme de sous-vêtements pour pré-ado. C’est ma fille qui m’incite à le faire. C’est en projet, je fais des essais. »